Un monde devenu probablement ténébreux, ou bien probablement illustre,
son devenir sera probablement l’entente planétaire, ou bien probablement le
chaos absolu, c’est un demain vraisemblablement inimaginable pour les
hommes d’aujourd’hui comme cela le fut pour les hommes de Neandertal
évoquant un monde futur impossible à concevoir.
Aucun de nous n’est prophète mais demain, seulement, ce sera à nous de
décider si oui ou non l’œuvre humaine, nos propres règles comme celles
de la société pourront être déposées dans le panier de l’espérance, là où toutes
nos aspirations et tous nos desseins rencontreraient enfin l’harmonie de l’univers.
Au sein de cette nouvelle symphonie les sons du respect et de la
reconnaissance d’autrui deviendraient les cuivres tonitruants d’un
appel au futur choisi, en toute connaissance de cause.
Arrêtons d'être les objets de notre Histoire, d’une histoire agencée par
d'autres que nous mêmes, soyons les sujets des verbes de la plus
belle des aventures, celle des hommes.
L’avenir n’a pas encore tracé ses traits, c’est à moi d’en commencer l’esquisse,
de lui donner ses premières formes, puis de le corriger grâce à ces autres coups
de crayon que sont les œuvres de l’homme...
La Bible(le Tanach’) n’évoque jamais clairement l'existence d'un Monde futur qui
est pourtant reconnu comme l’unedes solides charpentes duJudaïsme. Si le
Monde futur n'est pas désigné précisément dans la Torah, il y est perçu comme
un postulat inexprimé.
Par contre, la gratification est assurée à ceux-là même qui exalteront la Loi
comme, par exemple, ceux qui honoreront leurs parents; cette rétribution
sera toujours octroyée dans le Monde d’ici bas, une promesse
inlassablement réalisée au sein d’une réalité immanente.
Un sage contemporain fut interrogé sur l’antique sujet d’un contact éventuel
avec les morts; il réagit de manière probante: «Je serais bien plus heureux si au
lieu de rechercher le dialogue avec les morts, nous parvenions àl'établir avec
les vivants!»En clair l’écrit et la pensée Toranique se manifestent d’abord et
avant tout au vu et su du Monde des vivants.
Les faits et gestes de l’homme engendrent l’Histoire, de leurs actions
surgissent leurs ambitions, leurs envies créent le besoin d’entreprendre,
et seul l’intérêt porté à la chose peut faire de cette dernière une œuvre perfectible.
L’envie se mêlant au devoir de poursuivre sans relâche ses propres intérêts
créera la passion. Certains ont réussi à transformé un temps soit peu notre
planète, mais il leur fallut engager toute cette passion pour y parvenir ?).
La passion ne se lasse guère, elle rentre vite en besogne et ne laisse nul
répit à l’homme source de son énergie, elle le propulse vers ses desseins, lui
permet de se réaliser et devient sa volonté.
Le monde ne se meut pas au hasard du temps et de l’espace, il évolue dans
et vers l’expression spirituelle, cela traverse bien sûr aussi la dure école
de la violence. Le philosophe ne tergiverse pas pour savoir si la raison
gère la société humaine, elle a toujours gouverné l’Histoire et elle poursuivra
cette tache à l’avenir.
Ouvrons les yeux de notre regard face à l’actualité et devant la confusion
des événements nous nous devons d’instruire et d’apprécier l’esprit
des événements et surtout ne pas considérer le semblant de désordre de
l’Histoire comme sa réalité.
Nous vivons au sein de cet univers et non dans cet autre transcendant,
nous aspirons à retrouver l'Eternel dans notre vie quotidienne grâce à l’étude
et la sanctification de nos comportements les plus courants. La finalité absolue
de la Torah est de nous fournir les principes essentiels à la constitution
d'une existence honnête, celle ci permettant de faire valoir la présence divine,
non pas dans le Monde futur, où elle séjourne toujours, mais aussi parmi
nous, dans notre milieu. Si les Textes bibliques paraissent négliger l'au-delà,
le Talmud de son côté mentionne abondamment le Monde futur, et les voies
pour y accéder.
Le Rav Kookexplique ce décalage comme un effet manifeste des
conjonctures historiques à différents instants: le temps de la Mishna et du
Talmud signent et signifient l’omniprésence d’un état exilique pour tout ce
devenu juif. En ce temps là, les maitres poursuivent l’explication des
contenants et des contenus du Verbe divin, uniquement dicté à Moise,
dans un moment où la dimension nationale est en pleine perte de vitesse.
La Rome hégémonique s’attèle à la tache et donne à ce tableau de l’Histoire
les tons les plus sombres et les reflets les plus funestes.
L’exil marque chacun au fer rouge; au quotidien brisé d’une existence terrestre
vont s’ajouter d’innombrables maux handicapant la pensée, la foi et la pratique
du culte, ces derniers, d’ailleurs, avaient largement participé à la survenue de l’exil.
Je vous parle d’un temps où seuls les maitres à penser, les responsables
spirituels étaient suffisamment compétents pour appréhender la vérité terrestre,
eux en particulier parvenaient à surmonter le découragement des masses et à
saisir le sens profond d’un verset de la Torah comme celui ci «Je me promènerai
au sein de vous. Je serai votre D.ieu et vous serez mon peuple.»
(Vayikra, XXVI, 12).
Nos aïeux, dans leur ensemble, n'étaient pas en mesure de concevoir que la
finalité de l'être était de vivre une vie terrestre faite de moralité et de respect
envers D.ieu. Cela leur semblait infiniment symbolique, beaucoup trop irréel.
Pour les masses populaires ces assertions n’évoquaient qu’un vœu pieux sans
rien de vraiment concret.
Ce malaise amena les anciens à relever parmi les sources de la pensée ésotérique
du Judaïsme toutes les évocations concernant le Monde futur. Ils divulguèrent,
de manière précise, ce que représentait pour eux cet univers de probité, ce
sera pour le pauvre Juif exilé une façon d’apaiser ses souffrances mais
aussi de conférer à sa vie de proscrit un idéal et une finalité. Voici les
raisons du pourquoi nos maitres de la Loi décidèrent d’introduire après
décodage ce que la Loi écrite avait décidé de laisser occulte.
Le Rav Kook écrit aussi à ce sujet: « Lorsque le peuple juif se trouve sur
sa Terre, indépendante, libre et heureuse, lorsqu'il est dirigé par un roi et
guidé par un prophète qui transmet la parole divine, il parvient, sans
aucune difficulté, à faire apparaître dans ce monde-ci l'éclat du divin. Mais,
lorsque les malheurs l'accablent, il occulte alors le possible bonheur divin sur
Terre, et s’oblige à dévoiler de manière explicite ce que nous
appellerons le bonheur divin extra-terrestre. » (Orot, pp. 110-112).
Nahmanide quant à lui nous apprend : « Ce Monde-ci nous apporte une
révélation plus importante et plus originale: il nous offre la
possibilité de comprendre que la moralité et la foi de l'homme peuvent
construire non seulement l'Eternité mais également le présent, non
seulement le Monde futur mais également ce monde-ci, que l'on peut vivre
dans un présent illuminé par l'avenir. »
N’incriminons pas l’Eternel d’avoir condamné l’homme à un destin tragique,
il est lui-même le seul coupable de sa propre violence. Le marasme n’est
jamais indispensable au mieux de l’homme, mais quand il survient,
l’ordre des choses est tel, que le bien, le bon et le beau le récupéreront
à ses véritables fins.
Le règlement Divin est agencé conformément au projet créateur,
c'est-à-dire permettre à l’homme d’entrevoir éternellement un possible retour.
D.ieu n’a pas décréter le mal, seul l’homme l’a introduit, il l’emploie pour le
bien, il marque le cours de l’Histoire de cette oscillation du pendule
contraignant le futur à toujours retrouver son équilibre.
Le juste développement dans l’Histoire est un essor de la conscience.
Une authentique transformation spirituelle pourrait certainement s’ébaucher
suite au développement biologique qui fut le nôtre durant ces cent
dernières années.
La nature vitale au sein de l’être évolué, parvenu à maturité, saura aussi
effectuer ce progrès qui nous permettra de dépasser l’ordre de vie mental
et vital vers l’ordre spirituel.
La vigueur mise au sein de l’existence va orienter l’évolution et la mener à un
niveau où elle prendra conscience d’elle-même.
On peut se permettre de penser que la prochaine étape du genre humain
sera à l’arrivée, le développement spirituel.
Les deux Univers sont ancrés l’un à coté de l’autre, la conduite des hommes
dans le monde initial se répercutera inexorablement dans le monde à venir.
Le traité Berach’ot (p. l7a) nous rapporte qu'à l'occasion de la cérémonie de
clôture de leurs études, les Sages de la célèbre assemblée de Yavné avaient
coutume de réciter la bénédiction suivante: «Puissiez-vous goûter du monde
futur dans le présent, de votre vivant».
Maïmonide est plus explicite, selon lui: « Le monde éternel est appelé, futur,
non pas parce qu'il n'existe pas dans le présent, mais parce que le corps ne
permet pas d'y accéder. » (Lois sur la Techouva, VIII, 8).
La vie terrestre ne serait donc qu'une mise en condition pour ce qui est prévu
bien plus tard.
C’est là, dans ce monde à venir, que nous saurons renouer de manière
mature et exclusive, le contact avec D.ieu et cela pour un sublime rendez-vous.
Nos visions panoramiques et pénétrantes savent encore, dans le réel de
l’existence, différencier le futur du présent. Ce discernement nous
satisfait pleinement, nous renforce réellement et nous purifie ostensiblement.
L’autorité dévolue aux ordres divins offre au monde terrestre
l'inspiration incessante du monde futur, et ainsi, grâce à leurs
indiscutables agissements, les hommes s’améliorent forcément vers l'éternité
dont ils sont déjà passionnés.
Ne croyez nullement ici à une critique acerbe et suffisante de ce monde ci,
d’un monde si matérialiste que la rencontre avec les sphères de l’esprit s’en
trouve être fortuite.
Bien au contraire, nous sommes invités à reconnaître et à respecter avec
la plus grande des considérations cette Terre voulue et conçue par D.ieu.
Sommetoute il fut établi dès l’origine de la Création que notre Monde serait
le seul biais par lequel nous pourrions parvenir, par nos mérites, à un monde
bien meilleurqui deviendrait l’ailleurs du bonheur.
Le futur est inconnu, mais il s’élabore dans le présent et le présent est
le seul élément sur lequel nous pouvons agir.
Si nous désirons que demain soit préférable à notre aujourd’hui, il est
nécessaire dès maintenant de prendre soin des graines que nous semons
à cet instant.
Nous devons laisser aux générations à venir un monde meilleur que celui que
nous quitterons, un Monde futur où notre présent ne sera plus que passé.