Il est bien sûr plus facile de raconter ses réussites que ses échecs. Le récit que fait l'Agence France-Presse de sa couverture des événements tragiques de Toulouse et de Montauban, sur sa page Facebook, mis en ligne vendredi soir, n'en est pas moins passionnant. Et remet en cause certaines idées reçues ou règles pourtant bien établies du métier de journaliste.


La première surprise arrive dès les premières lignes : 


« Rémy Bellon, grand spécialiste de la police française, vient d'obtenir pour l'AFP un scoop mondial : la mort de Mohamed Merah, le “tueur au scooter”, après plus de 32 heures de siège par le Raid à Toulouse. L'information a été diffusée aux clients de l'AFP sous forme de “flash”, un texte très court, d'une ligne, réservé aux événements d'importance historique énorme, comme la mort de Ben Laden ou le départ des troupes américaines d'Irak. Rémy vient de signer son premier flash en trente ans de carrière, grâce à une source policière “en béton” au cœur du dispositif. »


Autrement dit, le journaliste n'avait qu'une seule source, n'avait pu la recouper et, pourtant, il a pris le risque de diffuser l'information. Tout comme BFM-TV qui s'est fourvoyé en annonçant jeudi après-midi l'arrestation de Mohamed Merah, entraînant dans son sillage plusieurs médias et sites internet.
Pourquoi une telle confiance dans une source unique ? Rémy Bellon explique : 


« Tout ce que m'a dit cette source, même les informations que je n'utilisais pas, s'est avéré exact par la suite. Cette source m'a tenu informé heure par heure. Elle m'a donné la progression du Raid dans l'appartement. Quand elle m'a dit que Merah était mort, je n'ai pas hésité une seconde à envoyer le flash. C'était une énorme responsabilité. Mais ma source ne pouvait pas se tromper. »


Les infos cruciales, recueillies à Paris


Autre surprise : c'est à Paris et non à Toulouse, sur le terrain, que sont venues toutes les informations.
« Paradoxalement, en effet, ceux qui sont au plus près de l'événement sont les moins au courant de ce qui se trame dans l'immeuble du tueur. C'est à Paris que l'AFP, via son service des informations générales, obtient toutes les informations cruciales. »


Alexandre Peyrille, le chef de la rédaction du bureau de Toulouse, raconte : 
« A partir du moment où l'affaire a pris une tournure terroriste, nous n'avons plus eu aucun contact avec nos sources habituelles. Les enquêteurs locaux, avec qui le bureau de Toulouse est quotidiennement en contact, sont en effet dessaisis au profit des services centraux de la police à Paris. »
C'est donc une source unique, au sein de la police, qui a entièrement dirigé la couverture de l'AFP et, partant, de la quasi-totalité des médias français et étrangers abonnés à l'agence.


Le récit de l'AFP ne dit pas si cette source était ou non contrôlée par le gouvernement ou si elle agissait de son propre chef.
 

« Je n'avais aucun doute sur la source »
 

Joint au téléphone ce samedi, Rémy Bellon assure que sa source agissait en toute indépendance : 
« C'est une source que je connaissais bien, qui figure dans mon carnet d'adresses et qui n'était téléguidée par rien du tout, par personne. Ça n'était pas une source officielle, pas quelqu'un qui cherchait à nous “bourrer le mou”, comme on dit vulgairement. »
Quant à la décision de diffuser l'information sans l'avoir recoupée, il insiste sur la « confiance » confortée tout au long des événements : 
« Je n'avais aucun doute sur la source. Rien ne nécessitait d'attendre un feu vert officiel. »
Rémy Bellon approuve cette initiative de l'AFP de « montrer l'envers du décor », « comment ça marche » et le « travail d'équipe ».


Un exercice salutaire de transparence
 

On peut féliciter l'Agence France-Presse pour cet exercice de transparence. Raconter ainsi les coulisses de sa couverture et de sa fabrique de l'information est un exercice salutaire pour l'information complète des citoyens. Il faut espérer que cette pratique se généralisera, et même en cas de ratés.