Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 06:47

 

jeudi 10 février 2011

Hosni Moubarak transférerait ses pouvoirs à Omar Souleimane

il y a 16 min

Reuters
Le président égyptien Hosni Moubarak va transférer ses pouvoirs au vice-président Omar Souleimane, a rapporté jeudi la chaîne de télévision Al Arabiya en citant des "sources dignes de foi".

La télévision publique égyptienne avait fait savoir peu auparavant que la diffusion d'une allocution télévisée du raïs était imminente.

Nicole Dupont pour le service français

http://fr.news.yahoo.com/4/20110210/twl-egypte-moubarak-pouvoirs-mo-bd5ae06.html

 
« Je suis un Arabe aux cheveux plein de poux ! »

TOUS DES MUSTAPHA KESSOUS (I). Suite au témoignage de Mustapha Kessous, journaliste au « Monde », sur le racisme, nos blogueurs lui emboîtent la plume.


Nordine_Kessous2_t.jpg

Il était une fois un petit garçon que tout le monde appelait « Bili » à l’école primaire. Bili est arrivé en France en 1976, dans une petite ville alsacienne, avec ses frères et sœurs. Son père était ouvrier à l’usine Peugeot, sa mère était noyée par le poids des responsabilités éducatives et financières d’un ménage que l’Insee classe dans la catégorie des pauvres qui triment sans jamais sortir la tête de l’eau. Bili ne parlait pas un mot de français, ne comprenait rien aux trente glorieuses, et encore moins à la signification sémantique de « bicot, bougnoule, harkis, OAS… » qu’il entendait au marché, à l’arrêt de bus, ou pendant les disputes entre adultes.

Pour lui, la langue de Voltaire se résumait par la douce mélodie qui lui parvenait de la bouche de toutes ces petites blondes aux yeux bleus qui faisaient un cercle autour de lui pendant la récréation. Ce mec âgé de 8 ans, c’était moi, Nordine Nabili, 42 ans aujourd’hui.

A l’époque, je ressemblais à ces gosses mal nourris des années cinquante que Robert Doisneau et Willy Ronis mitraillaient dans les faubourgs parisiens. Malgré ce look, je n’ai jamais été élevé au rang d’image représentative du monde populaire, certainement parce que je suis un Arabe « aux dents sales et aux cheveux plein de poux », dixit Christelle, ma camarade de classe, brune aux yeux verts, à la tête d’une tribu de bambins aux insultes acerbes, qui venait perturber régulièrement la circonférence du cercle formé par mes fées protectrices aux cheveux dorés.

J’étais un objet de fascination pour les élèves et une bête de foire pour l’équipe pédagogique de l’inspection académique. En réalité, ma présence dans cette classe était une expérience permanente et grandeur nature pour tout le monde, sauf pour moi. Une sorte de tout-en-un qui pouvait à la fois servir d’exemple, pour expliquer la différence et aussi pour démontrer l’exception. En gros, j’étais une jauge pour mesurer toutes les situations, la référence ou le seuil à minima qu’il fallait dépasser pour évaluer les progrès des uns et des autres. C’était le rôle que je jouais pour faire grandir mes camarades de classe, pour les accompagner à se créer un socle identitaire, psychologique et scolaire indispensable pour leur évolution. Personne ne m’avait rien demandé, ni à mes parents, au sujet de cette mission. C’était une assignation, point barre.

J’étais le petit Arabe de la classe, une sorte de doudou collectif, présent tous les jours, avec un casier et un tablier pour les arts plastiques. Le jeudi matin, j’allais à la bibliothèque pendant que le curé de la ville s’occupait du reste de la classe. Le concordat permet cette exception régionale. Pendant que mes camarades absorbaient les paroles divines en menu best-of, je parcourrais les livres de Jules Verne. Petit à petit, ce moment de solitude littéraire devenait, pour moi, un paradis enchanté. Mon français s’enrichissait, les courbes de mes résultats scolaires grimpaient.

A contrario, mon statut au sein de la classe stagnait. J’étais toujours un petit cheveu dans cette soupe scolaire. Etrange étranger, si près si loin, pas vraiment légitime, toléré jusqu’à nouvel ordre, invisible et silencieux. « Un sous-homme », dira quelques années plus tard un homme politique ; « c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », dira un ministre de l’intérieur.

J’ai grandi et traversé sans trop d’encombres les quelques étapes de la vie jusqu’à l’âge adulte en déjouant certains pièges pour ne pas encombrer mon esprit de rancunes et de frustrations. Mes camarades de classe ont tous eu des expériences diverses. La vie a fait son œuvre et a certainement délavé quelques-unes de leurs idées sur les Arabes, les Noirs, sur l’altérité en général et leurs certitudes en particulier, ainsi que toutes ces choses ingurgitées, en théorie et en pratique, à l’école primaire. Mes camardes de classe avaient intégré l’idée que « Bili » n’était pas leur égal, non pas parce qu’il ne savait pas parler français, mais simplement parce que son statut dans la classe était différent, ses cheveux étaient bouclés, son teint était plus foncé. Ces différences ont construit un complexe de supériorité dans leur esprit.

C’est cela, à mon sens, la source du racisme ordinaire. Toutes ces photos que l’ont prend pendant son enfance et que l’on développe à l’âge adulte lorsque l’on devient agent immobilier adepte des listes BBR, DRH spécialiste des CV qui finissent à la poubelle, patron de discothèque qui aime les nuits blanches sans Noirs à l’intérieur. Le racisme se nourrit quotidiennement de nos regards, de notre indifférence, de notre ignorance. Il est légitimé et renforcé par les instrumentalisations politiques. Il se nourrit de la tolérance que nous accordons à l’intolérance, il entretient la violence invisible de toutes les discriminations quotidiennes.

Que faire ? Décontaminer l’inconscient collectif de ce racisme qui plombe le pays. Ne jamais céder. Il faut parler, écrire, alerter, crier, condamner et éduquer. Il faut faire voler en éclat les déterminismes sociaux, les préjugés, les raccourcis destructeurs. La France et son histoire appartiennent à tous les « Bili » des écoles de France. Rien, ni personne ne peut arrêter ce rêve de liberté, d’égalité et de fraternité. Je vous remercie, Cher Mustapha Kessous, d’avoir osé publier votre coming-out contre le racisme ordinaire dans les colonnes d’un grand quotidien de référence. C’est un acte fondateur.

Nordine Nabili

Photo : extraite du film « Michou d’Auber »

Même Neuilly a fait la révolution du jasmin

DE NOTRE ENVOYE SPECIAL A TUNIS. Des Français aux côtés des Tunisiens pour défendre le pays contre les milices de Ben Ali. Incroyable mais vrai. Témoignage d’un couple de Neuilléens installé dans la banlieue huppée de Tunis.

Chaker.tunis_.neuilly2-300x191.jpg

Rendez-vous est pris au Plaza, une adresse chic de la banlieue huppée de Tunis, sur la côte balnéaire de la Marsa. La terrasse donne directement sur la plage. Expatriés, stars du show-biz, bourgeois… Ce beau monde se bouscule autour d’un magnum de champagne ou d’une bouteille de whisky. Malgré (ou en raison de) l’instabilité du pays, les VIP ne dérogent pas à leurs habitudes. Le décor est planté.

Jim, une Française originaire de la bien née ville de Neuilly-sur-Seine, vous accueille à sa table les bras ouverts et avec un large sourire. Lunettes de soleil dernier cri, jean moulant, t-shirt fashion. Une joie de vivre apparente en décalage avec le contexte local : « J’aime ce pays. J’ai quitté mon Neuilly il y a trois mois de cela. Et je ne regrette pas. Même si nous avons passé un moment difficile, je ne suis pas prête de partir », affirme-t-elle d’un air convaincu. D’autant qu’elle se sent de mieux en mieux depuis la chute de Ben Ali : « On respire. Je vois les gens heureux. Je me réjouis. »

Durant les trois jours de black out qui ont suivi la fin du régime bénaliste, elle n’a, dit-elle, jamais pensé partir. « Ces jours ont été pour nous un moment extraordinaire, nous avons fait la connaissance de notre voisinage tunisien et français. On est plus solidaires. » Comme dans le reste du pays, son quartier a dû ériger des barricades et sortir les bâtons pour défendre les maisons contre les pilleurs et les milices du chef d’État déchu.

Jean-Pierre, son mari, un grand gaillard, plus habitué à négocier les gros contrats qu’à rouler des mécaniques, s’est mis lui aussi en mode résistant pendant quelques jours : « Avec mes voisins, nous avons installé des barrages, armés de bâtons, on contrôlait et filtrait les allées et venues. Les hommes dehors et parfois nos femmes nous accompagnaient pendant la nuit pour siroter un thé ou un café », raconte-t-il, déjà un brin nostalgique.

Un peu de piment dans une vie mondaine, c’est un peu l’impression qu’on a. « C’était super enrichissant et gratifiant », souligne avec un large sourire Jim. Des autochtones ravis eux aussi d’avoir découvert une famille française dans un tel mélodrame. « Nous étions main dans la main. Maintenant ce sont devenus nos amis », se félicite Mohamed, un chef d’entreprise. Son épouse, Cherifa, directrice d’une agence bancaire et fille d’un ancien ministre, tient à préciser que la bourgeoisie tunisienne n’a pas profité du système des Trabelsi : « Nous avons refusé la collusion avec ce clan. D’ailleurs mon père a démissionné de son poste ministériel dans les années 90, car il refusait de s’associer au pillage du pays par cette famille. »

Une spoliation du pays dont avait eu vent Jean-Pierre : « On entendait des rumeurs sur les agissements du régime. Personnellement, je n’en ai pas été victime », indique-t-il. Avec la fin de la dictature, « le marché sera plus sain, car il n’y aura plus de monopole », assure l’homme d’affaire français. Une prédiction confirmée par Mohamed : « Il y aura des opportunités pour les investisseurs. C’est le moment où jamais. »

Alors tout va bien ? Pas si sûr. Jim perd un instant son sourire : « Le pays n’est pas encore en marche. Je crains que mes employés se rebellent ou que je me fasse voler mes bijoux dans la rue. Il faut vite que l’ordre revienne. » Regrette-t-elle un peu le temps d’avant ? Sûrement pas, elle s’empresse de faire le « V » de la victoire pour prendre la pause. Viva la revolucion ! Du Che Gevara dans le texte. C’est son facteur neuilléen qui va être content… Olivier Besancenot.

Chaker Nouri (Tunis)

 
Coups de feu au Kef, panique à Poissy
Mercredi 9 février 2011 | Posté par Ramsès Kefi

Quatre morts et des dizaines de blessés dans l’ouest tunisien, annonce une dépêche. Ramsès qui a de la famille dans cette région, devient blême. Il avait prévu de s’y envoler le 8 février. Sur le conseils d’un cousin qui vit là-bas, il a défait son sac.

Ramses.kef_.panique-300x171.jpg

En prenant le téléphone, je mourrais d’envie de savoir ce que mon oncle, de sa petite maison du Kef, dans l’ouest tunisien, pensait de l’après-Zine mais aussi des événements en Egypte. A tort ou à raison, les Tunisiens font maintenant office de pionniers parce qu’un jour d’hiver, ils décidèrent de reprendre une liberté dont on les avait injustement spoliés. Le réseau est faible et Oncle Mohamed, ce lundi 7 février, hurle en décrochant son Nokia 3310, comme si ses cris pouvaient combler le millier de kilomètres qui nous sépare, lui là-bas, moi à Poissy.

J’entends du bruit, la maison est pleine. Après les salutations, sa voix rocailleuse prend un ton solennel ; le même qu’il emprunta quand il m’annonça le décès de ma cousine d’un cancer du foie, quelques mois plus tôt. Et puis plus rien. Echec connexion. Dans la foulée, je rappelle. Cette fois-ci, c’est une voix féminine des télécommunications locales qui me demande de renouveler mon appel ultérieurement. Ce type d’accroc arrive souvent. Néanmoins, quelque chose ne va pas, là-bas, dans le quartier populaire de Barnoussa.

Alors que j’enfilais mes chaussures pour prendre d’assaut le taxiphone près de chez moi, un SMS d’un ami : « Il y a des morts au Kef dans des heurts avec la police. Je croyais que c’était terminé pourtant. » Je reste quelques secondes abasourdi. Mes pensées s’entrechoquent et j’oscille entre inquiétude et panique à l’idée que, si tant est que l’information s’avère, un des membres de ma famille soit au nombre des victimes.

Je fonce sur mon ordinateur le téléphone à l’oreille. Sur le moteur de recherche, je tape « Le Kef ». Une confirmation serait horrible mais une absence d’information le serait peut-être encore plus. Les dépêches sont rares mais formelles : 4 morts et des dizaines de blessés. Des manifestants auraient pris d’assaut le commissariat dans l’espoir de faire tomber le chef de la police locale et ce dernier, dans un réflexe bénaliste, aurait ouvert le feu suivi de certains de ses sbires. Il y a peut-être du jasmin dans cette Révolution mais je doute que les corps qui tombent sous les balles dégagent un quelconque parfum, si ce n’est celui du sang et des larmes.

Sur mon bureau, un billet d’avion pour le 8 février. En somme, demain matin. Ma mère a eu vent de l’incident et la voisine, originaire de Sfax, est catégorique : les routes de province ne sont pas sécurisées. Elle en revient. Des pro-Zine aux desseins diaboliques continuent de semer la zizanie tandis que le gouvernement balbutie sa politique, sous la pression d’un peuple qui ne veut pas voir sa révolution lui filer entre les doigts. Ça fait beaucoup. L’hôtesse du service après-vente ne veut rien savoir. Elle n’a reçu aucune consigne particulière concernant les vols vers Tunis. « Je ne vais pas à Tunis, je vais au Kef bon sang, au Kef ! » Le billet ne sera ni modifié, ni remboursé. « Inutile de vous énerver M. Kefi. » Et il n’y aura aucun geste commercial parce qu’un pays où l’état d’urgence et le couvre-feu sont en vigueur, ce n’est pas un cas de force majeure pour les compagnies aériennes. A prendre ou à laisser.

De Tunis, il y un peu moins de 200 kilomètres à parcourir pour rejoindre le Kef. Mon portable sonne au moment où je commence à échafauder un plan de route. Un message d’un « 00216 », l’indicatif tunisien. Un de mes cousins, averti de mon arrivée, me somme de renoncer à mon escapade. « Ici, c’est le chaos. Attends un peu. Ne viens pas, rien ne presse. »

A la télévision tunisienne, libérée du joug (momentanément ?) de la censure, même les journalistes ne semblent pas en savoir plus que nous. Il ne me reste plus qu’à défaire mon sac.

Ramsès Kefi

 

jeudi 10 février 2011

EGYPTE : LA RÉVOLTE DES PIERRES
Egypte : la révolte des pierres

Après deux semaines de bataille rangée dans le centre du Caire, le printemps arabe fait vaciller le pouvoir.

Professeur en chirurgie maxillo-faciale, Samar a gagné « beaucoup d’argent » en exerçant quelques années en Arabie saoudite. A 45 ans, elle travaille maintenant chaque après-midi, bénévolement, dans un hôpital public du Caire. « J’ai vu tellement de misère, de souffrance et d’incurie que j’ai compris qu’il fallait changer ce régime, explique-t-elle. En médecine, ça s’appelle une gangrène, il faut amputer. » Presque timide sous le foulard islamique qui lui enserre la tête, elle dirige le dispensaire d’une main de fer. Divorcée, elle vit seule dans un quartier cossu avec sa fille Annah, 14 ans, qui suit les manifs à la télévision : « Ça la rend folle d’inquiétude que je vienne ici, elle essaie de m’en empêcher. Ma mère non plus ne comprend pas, elle pense que nous semons le chaos. » Chaque matin, dès la fin du couvre-feu, Samar rejoint la place à pied, malgré l’étau de l’armée qui se resserre. « Maintenant, ils m’empêchent d’apporter de la nourriture et des médicaments », raconte-t-elle. La nuit, tandis que l’écho des armes automatiques résonne dans les ruelles adjacentes, les manifestants sont obligés de dormir devant les chars pour éviter qu’ils n’avancent et réduisent encore l’espace de liberté.

Le mois dernier, Samar était d’abord venue manifester « pour être avec [son] peuple ». Elle n’a enfilé ses gants de chirurgien qu’en découvrant le nombre de blessures graves infligées par la police. Il faut soigner et recoudre tout de suite, sur place, à quelques mètres des affrontements, pour éviter que les manifestants ne meurent d’hémorragie. D’autant que les émeutiers pro-Moubarak arrachent parfois des ambulances les blessés qu’on tente d’évacuer. Sur la place Tahrir, certains insurgés se sont improvisés brancardiers, ou guetteurs, juchés sur des lampadaires pour observer l’approche des forces progouvernementales. Des volontaires assurent le service d’ordre, d’autres se font éboueurs ou nettoient les latrines de la grande mosquée, où tout le monde se rend.

Les blessés de Samar gisent sur des tapis à même le sol. Ils encouragent de la voix leurs compagnons qui repoussent les assauts avec des pierres et des bâtons, parfois même à mains nues. « En une journée, on a traité 200 blessés et trois personnes sont mortes, rien que dans mon poste avancé », se désole Samar. Les tués ont tous été victimes de snipers, ce qui fait douter certains manifestants de l’armée, qui a pourtant promis de ne pas tirer sur la foule. « Moi, je suis médecin, je ne colporte pas de rumeurs. Les impacts de balles sont très précis : des tirs à la tête ou au cœur », dit Samar.

"LES IMPACTS DE BALLES SONT TRÈSPRÉCIS, DES TIRS À LA TÊTE OU AU CŒUR"

Ghareeb Abbas, 32 ans, s’est fabriqué un gourdin avec un tuyau en métal. « On n’arrête pas de devoir se battre, dit-il. Cette nuit, j’ai eu zéro heure de sommeil. » Avec ses lunettes à montures rouges, sa calvitie précoce et son bouc bien taillé, il n’a pas le physique de l’emploi. Dès que les guetteurs donnent l’alarme en sifflant, il monte pourtant au front à grands cris de « Allahou Akbar ». « Tenir cette place coûte que coûte, c’est notre dernier espoir », affirme-t-il. Graphiste free-lance, Ghareeb habite encore dans la maison de son père, cadre à l’usine Pepsi-Cola. « J’ai réalisé que ça ne servait à rien d’avoir une bonne petite vie s’il n’y a toujours pas de goudron dans les rues, si les égouts débordent, si les gens crèvent de faim à quelques portes de la mienne », dit-il. Deux fois par semaine, six heures par jour, il anime sur Internet des forums anti-Moubarak en contournant la censure. Un mouvement discret mais au potentiel colossal quand on connaît la passion des jeunes Egyptiens pour le Web, dans un pays de 85 millions d’habitants où les 15-32 ans forment presque la moitié de la population. Ghareeb veut rester sur la place jusqu’au départ de Moubarak. « Ce n’est pas de l’acharnement mais du réalisme, dit-il. Sinon, dès que le reste du monde regardera ailleurs, le régime reprendra tout ce qu’il a cédé. »

Ghareeb ne veut pas mourir. Mais il croit au « Shahid », au martyr : « Les Occidentaux assimilent ça aux attentats-suicides d’Al-Qaïda. Mais pour moi, ça veut dire que, si je meurs ici, j’irai directement au paradis, parce que j’étais au service de mon peuple. » Il est convaincu qu’une nuit les forces de sécurité vont envahir la place pour crever l’abcès démocratique. Ceux qui en réchapperont seront poursuivis par la police, mis au secret. « D’anciens prisonniers, clochards dans mon quartier, ont été tellement torturés qu’ils ne savent même plus où est leur maison. A tout prendre, ce sera peut-être mieux de finir ici. J’ai la certitude que le moment venu je serai à mon poste pour défendre cette place. Je n’hésiterai pas, je ne faiblirai pas, je m’interdirai même de me poser des questions. » Ghareeb parle en anglais, d’une voix calme. Puis il sourit, explique qu’il apprend le français pour émigrer au Québec. « Si la révolution échoue et que j’en réchappe... »

Quand les blessés autour de Ghareeb sont trop grièvement atteints, ils sont portés jusqu’à la mosquée où les Frères musulmans ont installé un hôpital de campagne. Plus d’une cinquantaine de personnes y sont mortes ces dernières semaines. « C’est vraiment très dur », dit Ahmed Chabaan, assis dans la crasse parmi des dizaines de convalescents. Ahmed, 26 ans, tient le blog de l’hôpital et parle parfaitement le français. Issu d’une famille pauvre, il étudiait les langues à l’université Al-Azhar quand le centre culturel de l’ambassade de France l’a repéré et envoyé dans un lycée de la banlieue parisienne comme assistant de cours d’arabe. Une copine l’a invité à Grenoble découvrir la neige. « On se serait cru dans “Les bronzés font du ski” », dit-il. Son sourire s’estompe alors que lui reviennent l’odeur du sang et les râles autour de lui. « Au début de cette révolution, j’étais heureux. Maintenant, quand je vois les Egyptiens se battre entre eux, j’ai peur. » Il n’ose plus rentrer chez lui ; il a reconnu certains de ses voisins parmi les émeutiers pro-Moubarak. « C’est pas bon de rester ici, mais c’est mon rôle de mettre les photos sur Facebook, poursuit-il. Tant que les médecins seront là, je resterai. » Ensuite, s’il échappe aux rafles, ­Ahmed espère obtenir un statut de réfugié politique et partir à Paris. Il n’y croit pas beaucoup : « On est mal barrés. »

« D’une certaine façon, la révolution a déjà gagné, dit Amr Waked, bien plus optimiste. Les Egyptiens ont secoué leur peur du régime, ils retrouvent leur dignité, c’est une immense victoire. » Il sourit aux jeunes qui le photographient. C’est une star, que beaucoup considèrent comme le nouvel Omar Sharif. Il a joué le terroriste arabe face à George Clooney dans « Syriana » et vient de terminer « Contagion », de Steven Soderbergh, avec Matt Damon. Présent place Tahrir depuis le début du soulèvement, il y est un manifestant comme les autres. Amr, qui reçoit d’innombrables appels de journalistes du monde entier, a décidé d’utiliser sa notoriété pour contrebalancer « la propagande à la Mussolini » délivrée par les médias officiels. « J’essaie de dire que ce ne sont pas seulement les Frères musulmans et les racailles qui sont ici, mais l’Egypte tout entière. » Son frère, actif dans un mouvement démocratique, a été arrêté la semaine dernière, par la police secrète. « Ils l’ont littéralement kidnappé.

C’est ça la réalité d’une dictature, où on t’arrête pour quelque chose que tu dis. » Lui-même n’est pas trop inquiet qu’on l’interpelle. Comme le gouvernement affirme qu’il s’agit d’une révolution islamiste menée par les Frères musulmans, « ce serait ridicule d’emprisonner un acteur marié à une Française et qui boit du vin », dit-il en riant. Il affirme que l’arrestation de son frère lui a donné « plus de courage ». « Tous ces morts, tous ces blessés juste pour préserver le confort d’un système et l’orgueil d’un vieillard, c’est scandaleux, s’emporte Amr. S’il aimait vraiment l’Egypte comme il l’affirme, Moubarak partirait. »

Alfred de Montesquiou - Paris Match

EGYPTE: SOULEIMANE OU LE FAVORI D'ISRAEL
Egypte: Souleimane ou le favori d'Israel
 

| Photo Reuters TV

Vice-président en charge de la transition en Égypte, Omar Souleimane était le candidat préféré d'Israël à la succession de Moubarak.

Clément Mathieu - Parismatch.com 

l était, avec Gamal Moubarak, l’un des hommes pressentis pour prendre la suite du Rais, si celui-ci venait à mourir ou quitter le pouvoir. Bombardé vice-président - le premier en 30 ans de pouvoir - par un Hosni Moubarak, à qui des centaines de milliers de personnes réunies place Tahrir, au centre du Caire, disent quotidiennement de «dégager», Omar Souleimane ne devrait finalement pas connaître le pouvoir suprême. Chargé d’organiser la transition vers l’après-Moubarak, présidant l’Egypte depuis 1981, l’ancien patron du renseignement, qui inspire presque le même sentiment que son chef au peuple révolté, a annoncé jeudi dernier qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle en septembre. Et, alors que l’équilibre de toute la région est fragilisé, cette décision n’a pas dû être du goût d’Israël. Selon un câble diplomatique américain divulgué par le site WikiLeaks, l’Etat hébreu considère depuis plusieurs années Omar Souleimane comme le meilleur choix possible pour succéder au président Hosni Moubarak.

«Nous nous en remettons à l'ambassade du Caire pour l'analyse des scénarios de succession en Egypte, mais il ne fait aucun doute qu'Omar Souleimane est la perspective qui a les faveurs d'Israël», écrivait l'ambassade des Etats-Unis à Tel Aviv, le 29 août 2008. Le câble révélé par WikiLeaks résume des discussions entre le ministre israélien de la Défense Ehud Barak et plusieurs responsables égyptiens à Alexandrie. La délégation israélienne se dit choquée par un Moubarak vieillissant et par sa difficulté à articuler, rapporte l'ambassade en citant un conseiller d’Ehud Barak, David Hacham. Les Israéliens sont convaincus que Souleimane sera probablement nommé au moins président par intérim en cas de décès ou d'incapacité du chef de l'Etat, ajoute le conseiller. «Hacham a été très élogieux envers Souleimane», ajoute l'ambassade, «il a noté que la ligne rouge établie entre le ministère israélien de la Défense et le Service général de renseignement égyptien fonctionnait désormais quotidiennement».

UNE RÉPUTATION ET DES CASSEROLES

«Dans leurs moments de plus grande frustration, (le ministre égyptien de la Défense, Mohamed] Tantawi et Soliman et Omar Souleimane ont chacun dit que les FDI (Forces de défense israéliennes) seraient les ‘bienvenues’ en envahissant à nouveau Philadelphie (nom du corridor entre Gaza et l’Egypte, ndlr), si les FDI pensaient que cela empêcherait la contrebande» du Hamas, dit encore le câble. Décrit comme quelqu’un de brillant et réaliste par les diplomates américains, Omar Souleimane, âgé de 74 ans, était avant sa nomination, peut-être plus connu de ses interlocuteurs étrangers que de l'homme de la rue en Egypte. Confident loyal de Moubarak, Souleimane a pris la tête des Services du renseignement général (EGIS) en 1993. Il a joué un rôle diplomatique de premier plan dans les relations de l'Egypte avec Israël, l'Autorité palestinienne et le Hamas, et les Etats-Unis, puissant allié et bailleur de fonds. En tant que chef des renseignements, Omar Souleimane a été chargé des dossiers de sécurité les plus sensibles, et il est surtout crédité de la disparition des groupes armés islamistes en lutte contre l'Etat dans les années 1990.

Réputé pour sa loyauté et son efficacité, Souleimane porte aussi des «casseroles» du point de vue des défenseurs des droits de l'Homme, selon un article de Jane Mayer dans le «New Yorker». Auteur de «The Dark Side», un livre sur la «guerre contre le terrorisme» menée après les attentats du 11 septembre 2001 par les Etats-Unis, la journaliste explique que Souleimane était «le contact de la CIA pour les transfèrements secrets» alors pratiqués par les services secrets américains. «La CIA organisait l'enlèvement de suspects de terrorisme à travers le monde et les renvoyait en Egypte ou ailleurs pour des interrogatoires, souvent dans des circonstances brutales», dit-elle. Si Souleimane n’était pas très connu du grand public, la proximité de Moubarak avec les Etats-Unis, dont il était un des acteurs, a tout de même fini par rejaillir sur lui. Comme le rapportait Reuters, après sa nomination immédiatement contesté au poste de vice-président, on entendait crier place Tahrir : «Hosni Moubarak, Omar Souleimane, vous êtes les agents des Américains».

 

LE GÉNÉRAL AMMAR À BEN ALI: «VOUS AVEZ L'APRÈS MIDI POUR PARTIR. APRÈS, JE NE GARANTIS RIEN»

Un intime assure que Ben Ali convoque alors une nouvelle fois le chef d’état-major ­Rachid Ammar pour lui ordonner de faire cesser les émeutes par la force. Ammar s’y oppose de nouveau. Fou de rage, Ben Ali lui arrache ses galons et hurle : « Vous êtes viré ! » De Dubaï, Leila incite son mari à résister. Seriati le pousse à déguerpir : « Ils vont vous tuer ! » L’armée encercle le palais, face à la garde présidentielle. Ammar exige une nouvelle audience, Ben Ali finit par le laisser entrer. Le général prévient le président que l’armée va se retourner contre lui, instaurer un couvre-feu et fermer l’espace aérien. Il lui pose un ultimatum : « Vous avez l’après-midi pour partir. Après, je ne garantis rien. » Pris de panique, Ben Ali prend la fuite.

Le cortège présidentiel file si vite que la fille du dictateur, Halima, 18 ans, est oubliée. Une voiture revient la chercher. A 17 h 40, juste avant le coucher du soleil, le jet du président, nom de code « Oscar Oscar », décolle. Samedi 15 janvier, à 2 h 30, le Falcon dans lequel ont pris place Ben Ali, Leila, que l’on croyait ­encore à Dubaï et leur fils se pose à l’aéroport international King Abdulaziz, à Djedda, dans l’ouest de l’Arabie saoudite. Le pays accueille pour une « durée indéterminée » un réfugié politique et non un chef d’Etat. C’est la fin. Mais ce n’est pas seulement un homme qui quitte la scène politique. C’est un régime, un système aux mains d’un clan qui s’effondre.
Sidi Bou Saïd, les maisons sont blanches, et les volets, bleus comme les yeux de Moncef Cherif. Quand il parle, il saisit le bras de son interlocuteur. Sa famille a bâti Sidi Bou Saïd, joyau du littoral tunisien « que Dieu a dessiné au crayon ». Un cadeau du ciel sali par le mauvais goût et l’avidité de Leila Trabelsi, celle qu’on surnommait « la Lady Macbeth de Tunis », née le 20 juillet 1957, coiffeuse de profession. « On l’appelait aussi “Leila Gin” à cause de son penchant pour l’alcool », raconte Moncef. Deux hommes vont faciliter l’ascension de Leila Trabelsi. Le premier, Abdelwahab Abdallah, ancien professeur à l’université de droit de Caen, a été ministre de l’Information de Bourguiba. Il a déjà œuvré en coulisse pour Ben Ali en novembre 1987. Abdallah, porte-parole du gouvernement et ministre conseiller, crée l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), bête noire des journalistes, et gagne le surnom de « Goebbels ».

http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Tunisie-Ben-Ali-revolution-du-jasmin-246017/

 
BEN ALI, LE JOUET DE SA FEMME

Ben Ali rencontre Leila en 1984, « au cours d’une soirée où il y avait beaucoup de femmes », confie un proche. Elle lui donne une fille, Nesrine, qu’il reconnaît par « gentillesse ». Le couple vit une romance clandestine et c’est le secrétaire particulier du palais, Arbi Aissa, qui cache Leila. Même après le divorce d’avec la première femme du président, leur relation reste officieuse. En 1991, Leila est enceinte pour la deuxième fois. Abdallah glisse alors un entrefilet dans « La Presse » pour annoncer les résultats de l’échographie : c’est un garçon. Père de quatre filles, Ben Ali aura enfin un successeur. Ravi, il épouse Leila... Six mois plus tard, elle accouche d’une fille ! Un autre conseiller de l’ombre apparaît alors : Abdelaziz Ben Dhia. Grâce à lui, Leila décroche un diplôme à l’université de Toulouse, par correspondance. Leila tisse sa toile et fait le vide autour de Ben Ali. « On dit qu’elle l’ensorcelait avec des marabouts marocains, ­explique Moncef Cherif. C’était son jouet. »

ok_IMG_0011_2_large.jpg

A Saint-Tropez, la première dame de Tunisie
avec son fils et, derrière, Ibrahim, son petit-fils,
un enfant adopté par sa fille Nesrine et son
gendre Sakher. (Photo: DR)

L’entreprise de Leila n’est pas du goût de tout le monde. Le gendre du président, Slim Shiboub, tente de freiner les appétits de sa belle-mère. Le palais se divise en deux clans : l’ancienne famille d’un côté et de l’autre les nouveaux venus, les Trabelsi. A la maison, raconte un proche du palais, « c’est elle qui parlait. Elle qui prenait les décisions. Elle coupait la parole au président. Il était gaga, passif ». Monstre d’autoritarisme, elle est avenante en public et irascible en privé. Ses exigences architecturales sont extravagantes. « Toujours des grandes maisons, beaucoup de chambres, des suites. Des étages entiers pour les cuisines et le personnel. Des piscines, des hammams, des salles de sport, des salles de bains immenses. Des ascenseurs. Des lits à baldaquin. Des écrans plasma. Elle peut mobiliser toute une administration pour une chasse d’eau ! »

Pendant que Leila règne, son frère Belhassen s’associe de force aux entreprises prospères et fonde Karthago : immobilier, transports, tourisme. Il s’installe à Sidi Bou Saïd dans une maison habitée, contraignant ses voisins à lui ­léguer la moitié de leur propriété. « Un jour, il est venu nous dire que la moitié de cette demeure qui nous appartient depuis le XIXe siècle était à lui », nous raconte Selma Jabbes, descendante de la famille Kabadou. « Nous avons fait un procès que nous avons perdu, car il avait falsifié les registres de cadastres. » Il fait ensuite obturer les fenêtres de ses voisins, car « l’air lui appartient ».

 
EXCÈS DE COCAÏNE ET DE SEXE DANS DES SOIRÉES QUI DÉGÉNÈRENT

Sur la terrasse d’une des villas qui dominent le bord de mer, Karim sirote son gin tonic. Cet homme d’affaires ne regrette pas que les Trabelsi aient quitté le pays « parce qu’ils le faisaient régresser ». Mais son regard s’illumine lorsqu’il évoque les frères et neveux de « la régente » s’adonnant à leurs passions : sexe, fête et drogue. Karim se souvient d’avoir reçu un appel un matin, très tôt. A sa porte, un parent de Leila l’attend au volant de sa Porsche Cayenne, un morceau de Kleenex enfoncé dans chaque narine. « Il avait pris tellement de coke que les ­sinus n’avaient pas tenu. Al Pacino dans le rôle de Tony Montana ! » Comme d’autres membres de sa famille, il conduit une voiture sans plaque. Il file à l’aéroport, s’arrête près d’un jet qui vient d’atterrir. Bourré de cocaïne. « Tout le monde savait que les Trabelsi trafiquaient, dit Karim. Mais là, j’ai eu peur. Si Ben Ali avait subitement décidé de mettre un peu d’ordre et de le faire coffrer, c’était le moment idéal. » Mais celui-ci repart comme il est venu, sans le moindre contrôle. Selon un proche, « les gardes prenaient leur commission. »

Avec un des neveux, les soirées dégénèrent. « Il pouvait contraindre une fille à faire un strip-tease, la brûler avec des cigarettes... A l’origine, ils n’étaient que des petites frappes. » Leila parvient à évincer son principal rival, Slim ­Shiboub, dernier proche de Ben Ali. Les trois filles du premier mariage du président ne peuvent voir leur père que sur rendez-vous. « Parfois, le président faisait peine à voir, raconte un habitué du palais. Je me souviens de l’anniversaire d’un membre de la famille. Il voulait se lever pour ­aller faire pipi, j’ai vu toute la famille de son épouse se ­lever pour l’accompagner... Ils ne lui laissaient aucun ­répit. » Leila rêve de plus en plus ouvertement de lui succéder. Son entourage y croit. Abdallah s’arrange pour que « La Presse » parle d’elle. Celles qui la rencontrent la ­décrivent comme une femme élégante et avenante qui s’évertue à dissimuler une ignorance crasse.

En janvier 2008, elle crée l’Elyssa Club, dans le parc de Sidi Bou Saïd. Ce sera le rendez-vous des femmes de la haute société tunisoise, choisies par Leila ou parrainées par l’une de ses fidèles. Un mannequin qui a participé à un défilé dans le club décrit les femmes du clan Trabelsi ­assises au premier rang : « Grossièrement teintes en blond, badigeonnées de fond de teint... » Cette vulgarité, même le vieux Ben Ali, paraît-il, finit par en souffrir.

Toujours ­insatisfaite, Leila, elle, vit comme une menace l’ascension fulgurante de Sakher El Materi. Une vidéo de juillet 2010 témoigne du goût de son gendre pour la fête. A Gammarth, une banlieue chic de Tunis, il a réservé dans un des restaurants branchés, le Sinbad. Grandes tables, champagne et jolies femmes. Sakher a l’assurance des fils de grands bourgeois. Sa famille est proche du pouvoir depuis des décennies. Il a épousé Nesrine, la fille aînée de Leila Trabelsi et Ben Ali. Ce soir-là, Sakher a près de lui des milliardaires et des célébrités, le créateur Roberto Cavalli et Janet Jackson. Nesrine fume et recoiffe ses longs cheveux blond vénitien, décolorés. Mère de deux petites filles et d’Ibrahim, un ­orphelin qu’elle a adopté, elle attend alors son quatrième enfant. Elle jubile. Ce soir-là, Sakher fête son succès à la tête de la concession Porsche. Une de plus après celles de Seat, d’Audi, de Volkswagen et de Kia. « Il ne résistait pas à l’attrait des voitures de luxe », confie Ghazi, un homme d’affaires longtemps proche de la famille.

Aujourd’hui, Ghazi, la quarantaine sonnée, est nerveux. Il a « rangé sa Porsche au garage », depuis la révolution. Il est amer : « J’étais ­directeur d’une banque, dit-il. Lorsque j’ai ­démissionné, ­Sakher m’a fermé toutes les portes. Même mes amis ne me répondaient plus au téléphone. Pendant deux ans, je suis resté au placard. » Sakher se comporte comme un enfant gâté. Il se sait au-dessus des lois, aime Dubaï et rêve d’Amérique. C’est d’ailleurs le premier du clan à inviter à dîner l’ambassadeur américain. WikiLeaks va révéler les propos du diplomate. Il décrit Sakher El ­Materi comme un être « exigeant, vaniteux et difficile », et voit son épouse Nesrine comme une fille « naïve et ignorante ». Il ajoute : « L’opulence dans laquelle El Materi et Nesrine ­vivent, ainsi que leur comportement expliquent clairement pourquoi ils sont, ainsi que d’autres membres de la famille Ben Ali, détestés et même haïs par certains Tunisiens. »

http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Tunisie-Ben-Ali-revolution-du-jasmin-246017/

 
SAKHER, LE GENDRE DE LEILA, SE FÂCHAIT SOUVENT AVEC LA «PATRONNE»

Ces révélations exaspèrent Sakher. Il se dit « bon musulman modéré ne manquant jamais ses cinq prières par jour ». Un mode de vie éloigné des Trabelsi que Sakher considère comme des parvenus, arrivistes et ­vulgaires. Des critiques que Leila ne supporte plus. Elle ­déteste l’intérêt que lui porte Ben Ali. « Sakher était le seul qui osait dire non à Leila et à sa famille, explique un de ses amis. Il a toujours refusé de faire des affaires avec les Trabelsi et, à cause de cela, il se fâchait souvent avec la “patronne”. Les Trabelsi rackettaient, frappaient s’il le fallait. Sakher flambait peut-être, il a profité de la situation, mais il n’usait pas de méthodes de voyou... » A un ami tunisien qui a réussi à le joindre par téléphone, la semaine dernière, dans le pays où il se terre « chez des gens bien », Sakher aurait confié : « Quand le calme sera revenu, je serai le premier à revenir pour m’expliquer. »

ok_HT110123Nesrine_et_Sa_large.jpg

Nesrine et Sakher, considéré comme l’homme le plus riche
du clan, ici lors d’une réception. Ils mèneront jusqu’au bout une vie dispendieuse sans aucun remords. (Photo: Henri Tullio)

Mais les Tunisiens n’en sont pas encore à écouter la défense des anciens maîtres du pays. L’état des lieux est loin d’être achevé. Naceur Garci, directeur de la Banque centrale de Tunisie, nous a confirmé que Leila avait bel et bien pris 1,5 tonne d’or : « C’était il y a deux ans. Elle a transféré les lingots à Londres. On ne sait pas ce que cet or est devenu. » Kamel Morjane, ministre des Affaires étrangères déjà en fonction sous Ben Ali, nous a affirmé que Belhassen Trabelsi, le frère de Leila, a « réussi à se glisser à l’étranger ». Quant à Imed Trabelsi, neveu de Leila, accusé du vol du yacht du dirigeant de la banque Lazard Bruno Roger, il n’a pas été tué, comme le disait la rumeur. « Il est en vie, assure Morjane. Et il est en détention ici, en Tunisie ».

Même le bilan des morts de ces semaines d’émeutes n’a pas été établi avec certitude. « A l’heure où je vous parle, dit Morjane, on en dénombre au moins 87. Et de nombreux blessés sont encore à l’hôpital. » Le gouvernement a demandé le gel de tous les avoirs volés et réclamera probablement l’aide de l’Onu et d’autres organismes internationaux pour que se déroulent « les meilleures élections possibles d’ici à six mois », toujours selon Morjane. Ensuite seulement, il devrait solliciter des extraditions des pillards de la Tunisie, y compris, à terme, celle de Ben Ali. En Arabie saoudite, l’ancien président et son clan se sont d’abord réfugiés à l’ouest de Djedda, dans l’ancien palais du roi Fayçal, puis ils ont discrètement quitté Djedda pour rejoindre Riyad, la capitale. Ils occuperaient depuis lundi dernier la résidence de Nassiriya, aussi ­appelée palais du roi Saoud.

Quand viendra le temps des jugements, le peuple ­tunisien aura sans doute déjà fait l’expérience de sa ­liberté. C’est encore loin d’être le cas. « Parfois, on n’arrive pas à y croire, dit Neïla Azouz », l’une de ces jeunes ­Tunisiennes qui s’échangent sur Facebook les consignes de la révolte depuis des semaines. « Des fois, juste pour être sûrs, on s’appelle sur nos portables et on lâche quelques insultes contre Ben Ali, avoue-t-elle. Juste pour vérifier qu’il n’y a plus personne pour couper la ligne ! » Point final

http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Tunisie-Ben-Ali-revolution-du-jasmin-246017/

 
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de univers-des-news.over-blog.com
  • : Comment tout savoir sur les stars : les news people, les potins, vidéos et photos de stars et de célébrités ? Surfez sur L'UNIVERS-DES-NEWS
  • Contact

Profil

  • catger
  • http://tendancedesantipodes.blogspot.com/


  var _gaq = _gaq || [];
  _gaq.push(['_setAccount', 'UA-15905281-1']);
  _gaq.push(['_trackPageview']);

  (function() {
    var ga = document.createElement('script')
  • http://tendancedesantipodes.blogspot.com/ var _gaq = _gaq || []; _gaq.push(['_setAccount', 'UA-15905281-1']); _gaq.push(['_trackPageview']); (function() { var ga = document.createElement('script')

Rechercher

Archives